Ces saint-simoniens qui ont construit la France moderne

Par François Leblond

Lorsque j’ai écrit, avec mon fils Renaud, la biographie d’ Emile Boutmy, j’ai cherché quelles avaient été les influences qui s’étaient exercées sur lui. Il m’est apparu que les saint simoniens figuraient en bonne place. Son père Laurent Boutmy et son parrain Emile de Girardin avaient été, en fondant le quotidien La Presse, les compagnons de route de plusieurs d’entre eux, engagés dans le développement de l’industrie.
Cela m’a donné envie de mieux comprendre le rôle de ce mouvement dans le développement de la France, sous Louis Philippe d’abord, sous Napoléon III ensuite.
Leur inspirateur, Claude Henri de Saint Simon, compagnon de La Fayette dans l’expédition d’Amérique, homme d’affaires sous la Révolution, s’était passionné en vieillissant pour les questions économiques et sociales et accusait les classes dirigeantes de privilégier la politique et de ne pas s’intéresser au sort quotidien des populations. Pour lui, seul le développement économique pouvait lutter contre la misère, son objectif premier.
Très vite, des jeunes gens, souvent élèves de l’école Polytechnique, le rejoignirent et décidèrent après son décès en 1825 de fonder un mouvement fidèle à sa mémoire. Ils ont été des acteurs de la Révolution de 1830 et fondèrent alors une sorte de secte s’appliquant à approfondir les idées du maître.
Au départ certaines de leurs idées audacieuses ont fait peur aux responsables du moment mais bien vite la qualité de leurs réflexions a conduit plusieurs d’entre eux à prendre la tête d’entreprises nouvelles. Ils ont été à la base du chemin de fer, du canal de Suez, de la banque moderne. Ils ont eu un peu de peine à convaincre l’entourage de Louis Philippe puis trouvèrent un allié en la personne de Napoléon III. Le développement qu’a connu notre pays à cette époque, les premières lois sociales, leur est très largement dû.
C’est cette aventure que je raconte en faisant un portrait des personnalités qui ont le mieux décliné le message nouveau : l’intellectuel, l’ingénieur au corps des mines Michel Chevalier, le commerçant animateur de la chambre de commerce de Lyon, Arlès Dufour, le maître du développement et de la législation du chemin de fer, Isaac Péreire.
L’Ecole Libre des Sciences Politiques, lors de sa création, a bénéficié de leurs conseils, ils lui ont apporté des moyens financiers grâce aux entreprises qu’ils avaient créées, plusieurs d’entre eux ont figuré parmi les premiers enseignants d’économie, joignant théorie et pratique. Les réflexions qui se sont exprimées dans le domaine social, dès les premières années de fonctionnement de la nouvelle école, reposèrent très largement sur leur apport. Les manuels d’histoire ne le disent pas assez.

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