Par Nicolas Saudray
Novembre 2019
À peine étais-je rentré d’Istanbul, où l’on parle un turc occidental (voir la rubrique « International » de ce site), que j’ai reçu des nouvelles du Kazakhstan, où l’on parle un turc oriental.
Ce pays fabuleux, irréel, où les Français vont rarement, s’étire de la Caspienne à l’Himalaya, ce qui lui procure une superficie égale à cinq fois celle de la France, et lui permet de culminer à 7000 mètres. Mais il ne compte que 18 millions d’habitants. C’était une région de steppes, sans culture urbaine. La politique de Khrouchtchev, consistant à mettre en valeur les « terres vierges », lui a valu un afflux de colons extérieurs. Une capitale moderne a poussé. On vient de la rebaptiser Noursoultan (« sultan de lumière ») en l’honneur de Noursoultan Nazarbaïev, qui a exercé le pouvoir, d’une main ferme, pendant trente ans.
Le Kazakhstan est tombé au pouvoir des tsars, non sans révoltes, durant les XVIIIe et XIXe siècles. Il n’a obtenu son indépendance qu’en 1991, et reste proche de l’ancienne colonisatrice.
Son économie est fondée sur le pétrole. Mais le pays est aussi devenu le premier producteur mondial d’uranium.
Durant les derniers temps de l’Union soviétique, les Russes formaient 38% de la population. Beaucoup sont repartis chez eux. Ceux qui restent ne sont plus que 24%. Et d’après les recensements officiels, les Kazakhs sont 63%. Malgré cela, le russe est la langue officielle, et on peut faire carrière sans parler le turc oriental.
Ces faits expliquent le souci du gouvernement kazakh de sauvegarder la culture du pays. Jusqu’à cette année, la littérature autochtone était, en dehors des frontières, terra incognita. L’article détaillé de Wikipedia sur le Kazakhstan n’en dit pas un mot. Et pourtant, il y a de quoi faire.
Les autorités kazakhes viennent donc de faire traduire une anthologie de leur poésie, et une anthologie de leur prose dans les six principales langues de l’ONU : l’anglais, le russe, l’arabe, le chinois, l’espagnol et le français. Chacun de ces florilèges groupe une trentaine d’auteurs.
Ce sont des œuvres de grand air, de chevauchées, de faucons portés sur le poing et d’horizons sans fin. Un vent rafraîchissant, dans nos petites affaires européennes. Le lecteur en a pour son argent.
Les livres
Anthologie de la poésie kazakhe, préface de Werner Lambersy, Éd. Michel de Maule 2019, 636 pages, 28 €
Anthologie de la littérature kazakhe (prose), préface d’Hélène Carrère d’Encausse, Éd. Michel de Maule 2019, 760 pages, 32 €