Valéry Giscard d’Estaing, souvenirs de François Leblond

François Leblond, ancien préfet de la Région Auvergne
Décembre 2020

J’ai été nommé en septembre 1996 préfet de la région dont Valéry Giscard d’Estaing assumait la présidence depuis dix ans. François Mitterrand était décédé depuis peu. Giscard était donc le seul ancien président de la République vivant. Je savais qu’on lui avait demandé son accord pour ma nomination, et je mesurais l’honneur qui m’était fait.

La nouvelle de sa mort m’a remis en mémoire les trois années que j’ai passées dans la région en relations constantes avec lui. Il refusait le terme « région Auvergne » mais voulait qu’elle s’appelle « Région d’Auvergne ».

Je venais le voir à son petit bureau une fois par mois pour évoquer avec lui les sujets que nous avions en commun. Il m’offrait le thé avec son parler inimitable: « Monsieur le préfet, vous prendrez bien une tasse de thé. Pendant deux heures, dans cette enceinte modeste correspondant à sa volonté d’épargner les deniers publics, il m’entretenait des affaires de la région mais abordait aussi les sujets les plus variés. On sait quelle connaissance exceptionnelle il avait des hommes d’État du monde entier. Il en recevait régulièrement à dîner en son château de Varvasse et ne manquait pas de nous inviter, mon épouse et moi. C’est ainsi que nous avons rencontré le chancelier Schmidt, et Kissinger. Le plus souvent, la conversation était entièrement en anglais, hélas pour moi qui avais passé l’allemand et non l’anglais comme langue étrangère à l’ENA.

Si j’écris aujourd’hui ces lignes, c’est d’abord pour saluer l’influence majeure qu’il a eue dans les destinées de l’Auvergne. Il avait voulu, après son échec aux présidentielles, consacrer une grande partie de son temps à cette région. Il  me dit à mon arrivée : « L’Auvergne est malade, il faut tout faire pour son soutien. L’État et le Conseil Régional doivent œuvrer ensemble à cette fin. »

Il se fixait des objectifs et souhaitait me les faire partager. C’est ainsi qu’ont été conçus de grands équipements dont le plus symbolique a été le parc Vulcania. Les services placés sous mes ordres, ainsi que les administrations centrales, étaient souvent peu enclins à apporter leur concours à des initiatives qui n’émanaient pas d’eux. J’étais souvent bien seul à le suivre et ce fut encore plus vrai après les élections qui ont suivi la dissolution de 1997.

Mais il a gagné parce que toutes les forces économiques de l’Auvergne étaient derrière lui. Vulcania a été un combat dont j’ai pris ma part. J’ai signé le permis de construire, et sans l’appui de Jean-Pierre Chevènement, ministre de l’Intérieur, cet acte m’aurait été fatal. Sa réélection à la présidence du Conseil Régional en 1998 (il était pratiquement le seul réélu) lui a permis de mener à bien toutes opérations qu’il avait conduites pour soutenir l’Auvergne. Il a été sans conteste un grand président de région.

Je ne veux pas achever cet hommage sans une pointe d’humour. Une de nos tâches conjointes était d’acheter des œuvres d’art contemporaines financées conjointement par l’État et la Région. Nous présidions ensemble une réunion composée, en dehors de nous, des experts reconnus en la matière. Les œuvres qu’ils nous conseillaient étaient souvent étranges. Nous nous regardions en souriant avant d’accepter, non sans hésitations. Je ne suis pas sûr que ce que nous avons acquis traversera le temps.

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