La voiture tout électrique. Utopie ou futur possible ?

Par Jacques Desmazures

  • La vogue est à la voiture électrique C’est très séduisant d’un point de vue intellectuel et écologique. Beaucoup de responsables, tant au niveau industriel qu’au niveau étatique, y adhérent fortement. Très bien pour le climat car elle n’émet pas de gaz à effet de serre, et pour la santé car théoriquement elle ne produit pas de microparticules (même si une partie importante des microparticules provient des freins et des pneus) …
    Aujourd’hui la grosse majorité des véhicules utilisés, dans notre vaste monde, fonctionne avec une énergie principalement tirée du pétrole. Il va falloir la remplacer par une autre source d’énergie, de préférence électrique, car considérée comme non polluante, dans tous les sens du terme, lors de son utilisation. Cette énergie sera stockée dans un ensemble de boîtes et non dans un réservoir.
    Pour que cela soit réalisable en tout lieu et en tout temps, il faut :
  • Avoir des sources d’énergie électrique d’origines diverses : éolienne, maritime, solaire, nucléaire, chimique …en nombre suffisant pour ne pas être esclave des effets de la météo,
  • Pouvoir brancher les boîtes pour les alimenter, où l’on veut, voire ou l’on peut, et ce le plus rapidement possible
  • Stocker, chez chaque particulier, et selon ses besoins, cette énergie électrique, dans des conteneurs fabricables, utilisables et recyclables (certains appellent ces ensembles pack batteries).
    Nous nous intéresserons, dans la suite, uniquement au cas de la France actuelle, en ce qui concerne l’énergie électrique qu’il faut fabriquer, et dont il faut disposer pour faire rouler TOUS nos véhicules d’aujourd’hui, voitures, camionnettes et camions.

1 DONNÉES SUR LES VÉHICULES
La France, aujourd’hui, possède environ 50.106 – soit 50.000.000 – voitures et camionnettes et 5.105 – soit 500.000- camions (beaucoup sont étrangers, mais roulent, transitent et/ou résident principalement en France.)
Pour rouler principalement en électrique, avec une autonomie maximale de 300 Km, une voiture (entre 600 Kg et 1700 Kg) doit avoir une batterie possédant une énergie de 60 KWh. Un camion (20 T à 35 T) doit avoir un ensemble de batteries possédant une énergie de 300 KWh.
Une valeur-type moyenne d’utilisation de la voiture est de 6.000 km/an.
Une valeur-type moyenne d’utilisation d’un camion est de 90.000 km/an. Cela
correspond à 100 jours de circulation à deux chauffeurs, le reste du temps étant destiné aux
repos, chargements et déchargements…
Pour une voiture qui réalise 6.000 km/an (20 fois 300 km), on doit faire 20 recharges de batterie par an, à 60 KWh. Pour un camion qui réalise 90.000 KM/an (300 fois 300 KM), on doit faire 300 recharges de batterie par an, à 300 KWh.

2 CAPACITES ET RECHARGES DES BATTERIES
Aujourd’hui, on peut recharger les batteries avec une valeur de charge NORMALE de 7 KWh à 8 KWh par heure, ou avec une valeur dite MOYENNE de 22 KWh à 25 KWh par heure (ce qui est encore peu commun), ou avec une valeur RAPIDE de 50 KWh par heure (encore en début d’essais, mais sans aucune installation dédiée à ce jour). Certains envisagent dans l’avenir des recharges FLASH à 300 KWh par heure, au risque de dégrader rapidement les batteries. Recharger très fort et très vite réduit beaucoup les durées de vie de ces ensembles.
La suite de l’exposé ne concerne que des recharges NORMALES pour les voitures et des recharges MOYENNES pour les camions.
Ainsi, pour une batterie de voiture se chargeant à 7/8 KWh, il faut 8 heures de charge. Pour un ensemble de batteries de camion se chargeant à 22/25 KWh, il faut une demi-journée. Ce n’est pas considérable mais cela implique un temps d’immobilisation du véhicule non forcément acceptable pour un industriel.
Une ligne de charge à 7/8 KW peut donc charger 3 batteries de voiture par jour, et une ligne de charge à 22/25 KW peut charger 2 ensembles de camions par jour.
VOITURES
Un réacteur de centrale nucléaire peut fournir en permanence une énergie de 1.000 MWh. On peut donc faire par jour, avec de nombreuses lignes de charge à 7 KW, 3 x 106 = 7 recharges de batteries, soit 0,43 x106 recharges en dédiant un réacteur nucléaire uniquement à ces recharges.
Il y a 50 x 106 voitures en France, avec 20 recharges de batterie chacune par an ; il faut donc pouvoir effectuer 109 recharges par an, pour l’ensemble de la flotte.
Une journée de réacteur de centrale nucléaire permet 4,3 x105 recharges.
Une année de réacteur de centrale nucléaire permet 365 x 4,3 x 105 recharges, et donc offre une capacité de recharges de 1,55 x108 recharges, à comparer à la demande de 109 recharges.
Il faut donc, rien que pour répondre à la demande en énergie des voitures, consacrer en permanence 6 à 7 réacteurs nucléaires de 1.000 MWh à recharger des batteries d’automobiles. On verra ci-après ce que cela veut dire en termes d’énergies renouvelables
Remarque : si comme l’indiquent certaines statistiques, la valeur moyenne de déplacement des voitures est de 10.000 km, ce ne sont pas 6 ou 7 réacteurs nucléaires qu’il faut y consacrer, mais plutôt 10 à 11 réacteurs nucléaires

CAMIONS
On peut faire le même calcul pour les camions avec une charge moyenne de 22 KWh par heure. Sachant que sur une ligne, on peut avoir deux ensembles de batteries rechargés par jour, une centrale nucléaire permet 2×106 = 22 recharges de batteries, soit 0,91x 105 recharges par jour, en dédiant un réacteur nucléaire uniquement à ces recharges.
Il y a 500.000 camions en France avec 300 recharges de batterie chacun par an. Il y a donc obligation de pouvoir effectuer 1,5 x 108 recharges par an.
Une journée de réacteur de centrale nucléaire permet 0,91 x 105 recharges.
Une année de réacteur de centrale nucléaire permet 365 x 0,91 x 105 recharges, donc elle offre une capacité de recharge de 0.33 x 108 recharges, à comparer à la demande de 1.5 x 108 recharges.
Il faut donc ici disposer encore de l’ordre de 5 réacteurs de centrales nucléaires à consacrer uniquement aux recharges des batteries de camions.

SYNTHESE
Tous les calculs effectués précédemment supposent que les échanges d’énergies étaient affectés d’un coefficient de rendement de 1. Or ces échanges, compte tenu des résistances des divers éléments, des pertes en ligne, et des rendements des convertisseurs, sont plutôt affectés d’un coefficient de rendement de 0,8 voire de 0,7.
Cela veut dire qu’il faut consacrer, en cas de déplacements (voitures et camions) « tout électriques », de l’ordre de 15 réacteurs de centrales nucléaires rien que pour recharger des batteries.
Cela signifie que sur un ensemble nucléaire français de 56 réacteurs aujourd’hui (dont 6 sont le plus souvent en maintenance), 30 % seraient consacrés uniquement aux actions de déplacement…C’est FOU.
Et cela à un moment où on ne parle que de réduire drastiquement la part du nucléaire dans l’énergie électrique… Il est évident que se reconstruiront, dans une telle hypothèse, des centrales à gaz, voire à charbon, comme c’est le cas de l’Allemagne actuelle.

3 ENERGIES RENOUVELABLES
On peut évidemment lancer un vaste plan de remplacement du nucléaire par du solaire ou par de l’éolien. Les calculs sont assez simples :
1 m2 de panneau solaire donne au mieux 100 Wh, fonction de son orientation. Nous considèrerons que c’est de l’ordre de 70 Wh et cela s’il y a du soleil.
Une éolienne fournit aujourd’hui de l’ordre de 2,5 à 3 MWh, et cela avec un vent ni trop faible (car elle ne peut alors tourner), ni trop fort (car alors on doit la brider).
Cela conduit aux résultats suivants :
SOLAIRE photovoltaïque
Un réacteur nucléaire donne 109 Wh, donc équivaut à une surface de panneaux solaires de 109: 70 m2, soit 1,42 x 107 mètres carrés ou 14,2 km2. Remplacer 15 réacteurs nucléaires par des panneaux solaires revient à construire 2×14,2 Km2 (28.400 hectares) de panneaux solaires, car le jour moyen est de 12 heures. Bonne pioche pour les constructeurs et les fabricants…Bien évidement il faut y adjoindre les capacités de stockage de l’énergie.
EOLIEN
Avec les technologies actuelles (éoliennes de 3 MWh), il faut de l’ordre de 330 éoliennes pour remplacer un réacteur nucléaire, si elles fonctionnent à temps complet. Or on sait que ce n’est pas le cas : il y a donc un coefficient multiplicatif à prendre en compte. Ici aussi il ne faut pas oublier les obligatoires capacités de stockage de l’énergie. Donc pour remplacer 15 réacteurs il faudrait construire environ 5.000 éoliennes, mais en fait bien plus compte tenu de leur fonctionnement intermittent.
A NOTER :
Les États-Unis ont construit et essayent actuellement un monstre éolien de 12 MWh (250 mètres de haut avec des pales de 200 mètres). Si cela fonctionne, on voit qu’il n’est plus nécessaire de consacrer 5.000 éoliennes aux voitures électriques, mais de l’ordre de 1.200 éoliennes, avec le coefficient multiplicatif associé.
Les 7 parcs éoliens maritimes français dont on se glorifie, et qui n’ont toujours pas donné lieu au premier coup de pioche, font chacun 60 à 80 éoliennes. Cela représente 500 à 600 éoliennes, bien loin du compte de 5.000. Evidemment, on peut implanter des éoliennes de 12 MWh. Mais cela obligera à réviser tous les marchés passés par l’Etat français, et retardera sensiblement la date de mise à disposition des parcs.

4 RECHARGER SA BATTERIE. INFRASTRUCTURES VOITURES
Cette opération nécessite d’avoir les lignes adéquates de charge, et d’en posséder suffisamment et bien réparties sur le territoire. Une norme européenne donne quelques principes de fonctionnement. Elle indique qu’une ligne de charge peut servir à 10 véhicules. La France, toujours plus exigeante dans ces affaires européennes, indique qu’une ligne est nécessaire pour 7 véhicules. La répartition des capacités des lignes de charges actuellement retenue au niveau européen est de 30% pour la charge NORMALE à 7KWh, 60% pour la charge MOYENNE à 22 KWh et 10% pour la charge FLASH à 50 KWh ou plus.
Si on considère les 50.000.000 de véhicules, on peut penser qu’une première moitié peut être rechargée habituellement à partir des locaux (garages, prises extérieures…) de leur propriétaire à 7 KWh, et qu’une seconde moitié dort dans la rue, plus particulièrement dans les villes.
La première moitié ne devrait pas poser de problèmes au titre des maisons individuelles. En ce qui concerne les ensembles urbains avec de nombreux copropriétaires, l’installation de bornes risque de mettre la copropriété dans la difficulté, compte tenu des désirs individuels de chacun, de la gestion de l’ensemble et des coûts mensuels de recharges qui devront être financés.
La seconde moitié a besoin de bornes de chargement dans la rue. Ces 25.000.000 de véhicules doivent disposer de 2.500.000 bornes avec la répartition européenne recommandée suivante sur le territoire français :
30% de bornes NORMALES (7 KWh), soit 750.000 bornes (faciles à installer) ;
60% de bornes MOYENNES (22 KWh, soit 1.500.000 bornes (travaux spécifiques de difficulté moyenne, pour les installer) ;
10% de bornes FLASH (50 KWh ou plus), soit 250.000 bornes (travaux spécifiques d’installation nettement plus compliqués).
De gros travaux de construction, d’aménagement et d’installation dans l’espace public sont donc à prévoir pour couvrir le territoire, de façon homogène et souple, au sens de la circulation routière.
En outre, il ne faut pas oublier le problème des voitures qui dorment en permanence dans la rue ; il va bien falloir installer les bornes de rechargement. Les places prises par ces bornes seront autant de places de parking en moins. Il faudra donc construire des parkings ailleurs, de préférence à l’entrée des villes. Il ne peut y avoir confusion entre place de parking et emplacement de recharge des batteries.
CAMIONS
Sachant qu’il faut des bornes spécifiques à grande puissance de charge permettant des recharges de camions entre 150 et 350 KWh/H, on obtient, en appliquant la norme européenne, le chiffre de 50.000 bornes reparties entre les entreprises de transport et les routes et autoroutes.
Les travaux relatifs à ces implantations peuvent être qualifiés d’importants, voire de très importants.
AUJOURD’HUI
La France possède actuellement de l’ordre de 21.000 bornes de chargement, réparties en 7.600 stations. Le groupe Bolloré a promis de mettre en place 16.000 bornes supplémentaires de chargement avant fin 2019… mais rien n’a encore été lancé ! En 2019, à la suite de l’implantation de ces bornes, on atteindra un total de 21.000 + 16.000 = 37.000 bornes, ce qui permet au sens européen du terme de recharger 370.000 véhicules, soit 0,75% de l’ensemble du parc automobile français.
Par ailleurs, la société IONITY, spécialisée dans l’industrialisation de ces bornes, prévoit d’installer, d’ici à 2020, 400 bornes FLASH (pouvant ultérieurement permettre 350 KWh). Elle estime la construction et l’implantation de ces bornes à 800 M d’euros, soit 2 M d’euros la borne FLASH…. CE N’EST PAS DONNÉ !
La question du coût va donc se poser, compte tenu des frais d’installation des bornes et des lignes électriques à implanter. De surcroît l’État n’aura plus les bénéfices des taxes pétrolières. On peut imaginer de sérieuses discussions pour fixer le prix des recharges, qui feront forcément l’objet de péréquations compliquées.

PROBLEMES
La charge simultanée d’un grand nombre de batteries, par exemple en début de soirée ou dans la nuit, va conduire à des demandes d’énergie faramineuses, pouvant induire des disjonctions électriques, surtout en ville. Une organisation adéquate devra être mise en place, au moins au début. (à l’instar de ce qui se passe en agriculture, dans les zones utilisant des systèmes d’arrosage par canaux).
La différence entre l’existant et un futur réaliste est énorme. Accéder au futur représente, dans ce domaine, une véritable révolution pour la France.

5 MATERIAUX ET MATIERES PREMIERES BATTERIES
Aujourd’hui les recherches battent leur plein pour assurer les stockages d’énergies électriques dont il faudra disposer. On tente de mettre de plus en plus d’énergie dans la même boîte, en mixant les divers composants de base. Ces recherches sont menées pour les grosses capacités par EDF qui voit avec inquiétude les problèmes se profiler (diminution du nucléaire), et pour les petites capacités par les industriels.
Plus on promeut les batteries, mieux il faut savoir contrôler leur charge et leur puissance, en évitant les emballements thermiques (voir les affaires des batteries ions /lithium des avions Boeing et des portables Samsung ; nous avions été confrontés aux mêmes problèmes sur des avions militaires en 1995).
Ces batteries, il faudra les fabriquer, les utiliser correctement sans les faire vieillir prématurément, et les recycler en fin de vie. Cela doit coûter bien de l’énergie.
Actuellement ces batteries sont essentiellement à base de lithium ou de cobalt. Aujourd’hui, 40% du cobalt produit dans le monde et la grosse majorité du lithium sont utilisés pour ces batteries. Une batterie classique nécessite de l’ordre de 20 Kg de ces métaux. On espère dans le futur pouvoir utiliser le nickel qui existe en proportions bien plus considérables.
Deux problèmes restent inhérents à ces batteries :

  • Pour les économiser et assurer une certaine capacité kilométrique, il faut une conduite automobile souple, sans grosse demande de puissance,
  • il faut privilégier les recharges à puissance MOYENNE, en évitant le plus possible les charges FLASH qui abrègent la vie de ces batteries.

MATIERES PREMIERES
Les matières premières que nécessite le « tout électrique » peuvent se répartir entre deux grandes familles.
La famille des métaux classiques (lithium, cobalt, nickel….). On les trouve en grandes quantités car certains sont des sous-produits de l’industrie du cuivre. Mais ces métaux, maintenant consommés en importance, se raréfient et on commence à s’inquiéter pour leur pérennité. Il sera nécessaire de leur assurer un recyclage total, en fin de vie des batteries, et de développer les recherches minières.
La famille des terres rares. Fondamentales, pour tout circuit électrique que l’on veut « pousser », pour toute batterie puissante, et pour les aimants des moteurs électriques, elles sont rares et pour leur grande majorité sises en Chine. Cette dernière commence du reste à réfléchir à leur exportation. On les trouve communément au fond des mers, dans des nodules métalliques, mais à grande profondeur. L’utilisation des terres rares est obligatoire si on veut promouvoir les véhicules électriques en les allégeant.

6 FUTURE MOBILITE
Malgré l’engouement actuel, la mobilité « tout électrique » n’est donc pas simple. Quelles sont les autres solutions ?

  • Ne négligeons pas le cheval et le vélo… Le premier revient, principalement dans les vignes en terrain escarpé, et le second pour les petits déplacements…..On pourrait aussi parler de la trottinette
  • Le GPL ; c’est un comburant dangereux qui est peu à peu abandonné,
  • L’hydrogène pur, donc dans des conteneurs très protégés. Il est aussi dangereux que le GPL, avec en plus une tendance à causer de violentes explosions. Si des sécurités d’emploi sont mises en place, il peut être employé pour des transports en commun (trains, cars, mais pas, à mon avis, pour les véhicules particuliers,
  • La pile à combustible. Elle ne semble pas totalement au point actuellement, mais peut être une source intéressante dans un futur pas très éloigné,
  • Le gaz classique : encombrant sauf sous forme liquide, agréable sûrement, mais posant des problèmes de sécurité, surtout en cas d’accident.
  • L’hybride. C’est certainement une bonne façon de se déplacer actuellement. Mais c’est une technologie chère, car elle nécessite deux moteurs (l’électrique et le thermique), ainsi que des batteries et des systèmes électroniques sophistiqués pour contrôler les interfaces divers
  • Les voitures thermiques à FAIBLE CONSOMMATION. Les recherches tendent à obtenir des consommations de 1,5 à 2 litres d’essence ou de diesel aux 100 km, avec filtres à particules.
    Deux choses à noter :
    Les rejets de particules dans l’atmosphère sont dus non seulement à la combustion, mais aussi aux frottements des pneus et des freins.
    Une voiture électrique est, énergiquement parlant, plus vorace à la construction qu’une voiture thermique. L’équilibre serait atteint après 80.000 km parcouru par la voiture électrique.

7 CONCLUSIONS
Affirmer que l’avenir dans les déplacements est « au tout électrique » impose de lourdes contraintes qu’il vaut mieux avoir analysées avant de s’y lancer :

  • De quelle production d’énergie de base disposons-nous pour permettre les recharges des batteries assurant le fonctionnement de dizaines de millions de véhicules électriques ? Cette énergie existe-t-elle aujourd’hui ? Sinon, quelles installations de production faut-il construire pour l’obtenir ?
  • Avons-nous des ressources minières, plus particulièrement pour les terres rares, autorisant la construction de la multitude de batteries et éléments électriques nécessités par le « tout électrique » ? Y a-t-il des avancées techniques permettant d’accroître l’efficacité de ces batteries ?
  • Y a-t-il une planification, à l’échelle des villages, des villes et du pays, des travaux indispensables à l’implantation des bornes de rechargement ? Et cela en termes de travaux publics, de stations de recharges, de raccordements aux réseaux électriques et de protection de ceux-ci ?
  • Existe-t-il une approche de sécurisation des circuits d’alimentation électrique permettant d’éviter surcharges et disjonctions, lors des pointes de charges, généralement en fin de journée?
  • A-t-on une idée approximative des futurs prix de facturation des recharges de batteries ?
    Toutes ces questions, aujourd’hui latentes compte tenu du faible nombre de véhicules électriques, devront être très largement abordées avant de se lancer dans le « tout électrique ».

Trois catégories de véhicules, voire quatre à plus long terme, peuvent être considérées comme propres et «écologiques » :

  • les véhicules hybrides et hybrides rechargeables ; ces deux types sont actuellement les plus chers, compte tenu de l’existence de deux moteurs et des équipements électriques et électroniques embarqués,
  • les véhicules à moteur thermique à faible consommation ; ce type de véhicules est sûrement le plus facile à utiliser et celui qui permet l’adaptation logistique la plus minime,
  • les véhicules « tout électriques », uniquement équipés de batteries ; ce sont ceux qui nécessitent le maximum de développements et de travaux pour assurer un support logistique adapté et flexible.

Le futur consistera vraisemblablement en un assortiment de ces quatre catégories, dont les proportions seront décidées en fonction du coût des dépenses de logistique – facteur aujourd’hui négligé par la réflexion. En restant réaliste, on peut penser qu’il faudra limiter le nombre de véhicules « tout électriques » à quelques millions, sans dépasser 15% du parc automobile.
Bien évidemment, l’arrivée de véhicules utilisant la pile à combustible pourrait changer la donne.

Jacques Desmazures est ancien directeur des essais en vol et directeur technique des programmes, chez Dassault Aviation.

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