Elisabeth Schneiter : « Les Héros de l’environnement »

 Par Nicolas Saudray

Elisabeth Schneiter est une journaliste indépendante, qui a écrit notamment pour « Le Monde », « Le Figaro », « Les Échos ». Depuis quatre ans, elle collabore avec l’association Reporterre, qui enquête sur les agressions envers l’environnement. Elle a également contribué aux combats pour la langue française (autre cas de pollution massive). 

Cet ouvrage présente de façon synthétique et aisée à lire les principaux scandales environnementaux qui ont endeuillé notre planète au cours des dernières décennies, surtout en zone équatoriale ou tropicale.

Cent vingt défenseurs de l’environnement ont été assassinés au Honduras, parce qu’ils s’opposaient à des projets de barrages.

Au Brésil, Chico Mendès luttait contre les éleveurs qui voulaient (et veulent toujours) transformer l’Amazonie en pâtures à vaches. Ce gêneur a été éliminé en 1988. Arrêtés et condamnés, ses assassins se sont évadés. Ils courent encore.

Au Mexique, Isidro Baldonegro se battait lui aussi contre la déforestation., et contre la spoliation des tribus indiennes qui en résulte. En 2003, il a été emprisonné. L’émotion internationale a contraint les autorités à le libérer. Mais en 2017, dès son retour chez lui, il a été tué par balles.

C’est aussi en 2017 que Wayne Lotter, défenseur des éléphants, a été abattu – à Dar-es-Salam, capitale de la Tanzanie.

Plus ancien (1985), et plus connu, est le meurtre de l’Américaine Diane Fossey, qui avait consacré sa vie aux gorilles de montagne du Rwanda, menacés d’extinction. Depuis lors, l’effectif de ces sympathiques animaux a remonté, grâce à quelques mesures de protection. Mais le braconnage mortel se poursuit.

Sur la côte du Nigéria, Saro-Wiwa menait campagne contre les dégradations causées par les compagnies pétrolières. Il a été pendu haut et court en 1995, avec huit autres militants.

Le Cambodge est victime du pillage du bois de rose. Le principal opposant, Ouch Leng, doit vivre caché.

On pourrait aligner les exemples encore longtemps. La France n’est pas innocente :

  • le projet minier russo-canadien de la Montagne d’Or, en Guyane, comportant des traitements massifs au cyanure, n’est toujours pas abandonné malgré les protestations de tous les chefs coutumiers ; bien entendu, c’est l’argument de l’emploi qui est mis en avant ; chacun se souvient du mot de Mme Roland au pied de la guillotine : Liberté, que de crimes on commet en ton nom !; l’exclamation vaut toujours, sauf à remplacer liberté par emploi ;
  • Total a été autorisé à importer de grandes quantités d’huile de palme pour sa raffinerie de La Mède (Bouches-du-Rhône) ; c’est la mort de forêts indonésiennes ou malaisiennes qui seront rasées pour planter les palmiers.

Il faut féliciter Élisabeth Schneiter d’avoir braqué le projecteur sur ces abus inexcusables et souvent criminels. Je partage entièrement son indignation.

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On me permettra, en contrepartie, de présenter quelques remarques.

1/ Je rappellerai, bien que l’ordre de grandeur ne soit pas le même, la présence en Europe, et notamment en France, de nombreuses victimes du fléau inverse : une idéologie écologiste qui trop souvent échappe au bon sens. Les braves gens dont l’existence est bouleversée parce que de grandes éoliennes ont surgi à quelques centaines de mètres de leur habitation ne perçoivent aucune indemnité. Des aigles royaux, espèce précieuse entre toutes, ont été tués par des pales d’éoliennes en Languedoc. Les chauves-souris meurent par milliers, bien que protégées par la loi, en raison des variations brutales de pression causées par ces pales.

Les internautes trouveront dans cette même rubrique du site Montesquieu des articles montrant qu’un supplément d’éolien, dans notre pays, ne présenterait aucune utilité pour le climat.

2/ Les réactions parfois violentes des héros d’Élisabeth Schneiter peuvent se comprendre dans des pays de non-droit. Elles ne sauraient être admises dans un État de droit comme le nôtre. Ainsi, on ne peut tolérer que des adeptes du mouvement vegan attaquent les boucheries. On ne peut davantage admettre que  d’autres zélotes s’introduisent par effraction dans l’enceinte de centrales nucléaires, au risque de provoquer de graves accidents.  Il revient à la loi, et non à tel ou tel illuminé, de distinguer ce qui est permis et ce qui ne l’est pas. Les militants fanatiques d’aujourd’hui me font parfois penser aux premiers chrétiens, briseurs de statues que nous regrettons aujourd’hui.

3/ Les compagnies pétrolières doivent aujourd’hui faire face, notamment aux États-Unis, à des actions collectives de grande ampleur. Une offensive similaire se prépare contre Total. De deux choses l’une :

  • ou bien il s’agit de réagir en justice à une déforestation, ou à la pollution de sols par des effluents nocifs ; ces réactions sont normales et souhaitables ;
  • ou bien l’objectif des requérants est de faire juger que le simple fait d’extraire des hydrocarbures et de les fournir aux consommateurs constitue une pollution coupable ; il y a là une dérive démagogique ; les coupables, j’ai le regret de le rappeler, sont les consommateurs ; les compagnies ne font que répondre à leur demande.

3/ Ces remarques me mènent à une réflexion en amont. Les abus stigmatisés à juste raison par Élisabeth Schneiter ont des causes, principalement deux : l’inflation démographique et l’aspiration des habitants du monde entier à un niveau de vie plus élevé. Tant qu’on n’agira pas de façon efficace sur ces causes, les abus continueront et même s’aggraveront.

Il n’est pas admissible, notamment, que la population d’un pays comme le Nigéria continue de doubler tous les trente ans.

S’agissant de la seconde cause, ne nourrissons pas d’illusions : peu de gens accepteront une baisse de leur niveau de vie, et la plupart des gouvernements ont pour objectif la croissance. Certaines restrictions sectorielles apparaissent néanmoins nécessaires. Je me limiterai à l’exemple du transport aérien, qui continue de progresser grâce à une détaxation du carburant que rien ne justifie. C’est l’un des principaux facteurs de dégagement de gaz carbonique, et la progression du trafic incite à aménager de nouveaux aéroports, meurtriers pour l’environnement : le troisième aéroport d’Istanbul vient d’être mis en service, la construction de celui de Mexico se poursuit malgré son gigantisme…Faire régresser ce mode de transport ? Soyons réalistes, et employons-nous plutôt à empêcher sa nouvelle envolée.

Le livre : Élisabeth Schneiter, Les Héros de l’environnement, Seuil, 2018, 12 €.

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